1-Pour les premières amandes vertes que l'on croque, trempées de sel, et qui sonnent le glas de l'hiver
2-Pour l'arbuste du balcon que l'on croyait mort et qui refleurit inexplicablement en décembre,
3-Pour le grincement familier de la balançoire sur laquelle on s'assoupit, enivrés de soleil, dans le chant des cigales,
4-Pour les klaxons « sauvages » d'un mariage d'été qui nous précipite pourtant tous au balcon pour voir si la mariée est belle,
5-Pour ces tribus de parents qui attendent à l'aéroport le retour au pays de l'enfant prodigue, et qui arrivent toujours beaucoup trop tôt,
6-Pour cette vieille mémé qu'on a refusé de mettre à l'asile malgré l'appartement de Beyrouth trop étroit, et que son fils continue d'embrasser chaque soir,
7-Pour le jeune policier du carrefour qui fait semblant de rêver quand on traverse un feu orange,
8-Pour le « Ya hala » claironnant du steward qui nous accueille sur l'avion de Beyrouth,
9-Pour cet automobiliste souriant en trois pièces cravate qui, un soir de Nouvel An très pluvieux, vous change votre pneu, sans rien vous demander,
10-Pour ce soleil lumineux de janvier qui nous fait douter que la tempête terrifiante de tout à l'heure ait vraiment eu lieu,
11-Pour la voix si triste de Feyrouz qui réveille en nous une âme enfouie de villageoise d'opérette,
12-Pour l'odeur de la « mankouché » du matin qui est bien plus qu'une galette au thym, comme la traduit bêtement le dictionnaire,
13-Pour ces cerises de juin si noires qu'elles colorent de violet les langues des enfants,
14-Pour la maison d'en haut qu'on fait plus belle que l'autre, parce que c'est là qu'au soir de notre mort, on accueillera les gens du village,
15-Pour les soirs de juin sur la terrasse, pour la vigne de septembre qui finit par nous offrir une grappe, pour les gardénias de mai,
16-Pour l'odeur mouillée de la terre après la première pluie,
17-Pour ne pas avoir froid, pour ne pas avoir peur, pour ne pas vivre seul, pour...
Pour tout cela ..... Revenez au Liban